Face à la prise de conscience du peuple et aux protestations contre ces accords pétroliers inéquitables entre l'Iran et la Grande-Bretagne, le Dr Mossadegh a présenté un projet de nationalisation de l'industrie pétrolière au 16ème Parlement. Soutenu par l'Ayatollah Kashani et d'autres religieux, le projet de loi a finalement été adopté le 29 mars 1951.
Mossadegh est devenu Premier ministre en 1951 mais, en raison de ses actions et de sa confiance excessive envers les États-Unis, il a été renversé par le coup d’État du 19 août 1953. Le général Fazlollah Zahedi lui a succédé et a signé de nouveaux accords pétroliers avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, effaçant ainsi les acquis du mouvement de nationalisation du pétrole.
Les réalisations du mouvement de nationalisation de l’industrie pétrolière :
Le mouvement de nationalisation de l'industrie pétrolière iranienne représente un tournant dans l'histoire contemporaine du pays. Cette lutte a apporté de précieux acquis au peuple iranien, tant sur le plan intérieur qu'international.
Au niveau national, la nationalisation du pétrole a permis,
- De rompre la dépendance vis-à-vis du colonialisme britannique : l'Iran s'est libéré du joug colonial et a repris le contrôle de ses ressources vitales.
- D'accroître les revenus nationaux de manière significative, ouvrant la voie au développement économique et social.
- De relancer l'économie avec l'essor des exportations, des importations et la réouverture d'usines fermées.
- De renforcer la confiance en soi et la résilience face aux difficultés au sein de la population.
- De favoriser le développement des compétences des travailleurs iraniens et l'essor des ressources humaines qualifiées dans la société.
- De consolider l'identité nationale et l'esprit d'autosuffisance du peuple iranien.
- D'élargir la liberté d'expression avec l'expansion de la presse et des activités journalistiques.
Sur la scène internationale, la nationalisation du pétrole a eu pour conséquences,
- De briser le monopole britannique au Moyen-Orient et d'inspirer d'autres mouvements de libération dans la région.
- D'inquiéter les puissances coloniales sur les répercussions de ce mouvement dans leurs autres colonies.
- D'être une source d'inspiration pour les mouvements de libération dans d'autres pays, notamment en Égypte avec le canal de Suez.
- De faire reconnaître par l'Assemblée générale des Nations Unies le droit des nations à utiliser et à exploiter leurs ressources comme partie intégrante de leur souveraineté.
Les causes de l'échec de la nationalisation de l'industrie pétrolière :
Malgré ses réalisations remarquables, le mouvement de nationalisation du pétrole a finalement échoué. De multiples facteurs, internes et externes, ont contribué à cet échec :
Facteurs internes :
- Les désaccords entre les dirigeants du mouvement, notamment entre Mossadegh et Kashani, ont sapé son unité.
- Mossadegh n'a pas su maintenir le soutien crucial du clergé.
- Il a manqué d'efficacité dans la mobilisation et l'organisation populaire pour défendre le mouvement.
- Les dirigeants avaient une perception erronée des politiques énergétiques internationales.
- Mossadegh a fait l'erreur de faire confiance aux promesses américaines et d'accepter l'ingérence de la Banque mondiale dans la question pétrolière.
- Il s'est focalisé sur le pétrole en négligeant la lutte contre le despotisme interne du régime Pahlavi, pourtant la racine des problèmes.
- Il a retiré au Parlement son pouvoir législatif, alimentant les mécontentements.
- Il a nommé à des postes clés des personnes incompétentes et parfois douteuses pour gouverner le pays.
- Le mouvement manquait de personnel bien formé pour faire face aux crises et aux défis.
Facteurs externes :
- Le coup d'État du 19 août, orchestré par les États-Unis et la Grande-Bretagne, a porté le coup fatal au mouvement.
- L'embargo britannique sur le pétrole iranien a gravement détérioré la situation économique et sociale du pays.
- L'Union soviétique a refusé de coopérer avec le gouvernement Mossadegh pendant la crise financière.
En somme, le mouvement de nationalisation du pétrole a échoué par manque de cohésion interne, d'un leadership fort et d'une juste compréhension de la politique internationale. Néanmoins, il a enseigné des leçons importantes à la nation iranienne et inspiré des mouvements de libération ailleurs dans le monde.
Le point de vue de l'Imam Khomeini sur le mouvement de nationalisation du pétrole :
L'Imam Khomeini accordait une attention particulière à l'histoire de l'Islam, de l'Iran, des mouvements de libération, de leurs victoires et de leurs défaites. Il s'appuyait sur ces expériences historiques pour faire progresser le mouvement islamique.
Il considérait la nationalisation du pétrole et l'éviction de la domination coloniale britannique comme un service rendu à l'Iran. Il pensait que Mossadegh voulait servir le pays mais qu'il avait aussi commis de graves erreurs. L'une de ses plus grandes erreurs fut de ne pas avoir écarté Mohammad Reza Pahlavi quand il en avait le pouvoir, alors qu'il aurait pu facilement le faire.
Pour l'Imam Khomeini, la principale cause de l'échec du mouvement pétrolier était son caractère non islamique et sa limitation au nationalisme et à des objectifs politiques et matériels. Il était convaincu que dès le départ, les nationalistes étaient idéologiquement opposés à l'Islam et au clergé, et qu'ils s'y sont opposés en pratique. Ils qualifiaient de fautifs tous les religieux qui, à l'époque constitutionnelle, cherchaient à servir l'Islam, de Mirza Mohammad Hassan Shirazi à Seyyed Abolghasem Kashani. De son point de vue, la séparation de la religion et de la politique et la dissociation du leadership politique du leadership religieux faisaient partie des raisons de l'échec du mouvement.
Dans l'ensemble, il se méfiait de la pensée et du slogan nationaliste du Front national, considérant ses membres comme nuisibles au pays et leur vision comme contraire à l'Islam et au clergé.
En comparant la révolution islamique au mouvement pétrolier, il jugeait la révolution islamique plus profonde. Pour lui, le mouvement pétrolier était purement politique tandis que la révolution islamique était une révolution politique, religieuse et enracinée. Il considérait le mouvement pétrolier comme matérialiste et la révolution islamique comme spirituelle. Selon lui, le mouvement pétrolier a échoué en s'appuyant sur le pouvoir politique, en s'éloignant de la spiritualité et en commettant d'autres erreurs.