A l’heure de savourer la première victoire électorale qui a conclu en apothéose sa toute première campagne de terrain, menée la fleur au fusil, celle qui faisait figure d’outsider dans le comté de Durham, et qui a créé la surprise dimanche dernier dans les isoloirs, n’a pu s’empêcher de songer à trois êtres chers disparus tragiquement en 2015 : sa meilleure amie, Yusor Abu Salha, 21 ans, l’époux et la sœur de celle-ci, Deah Barakat, 23 ans, et Razan Abu Salha, 19 ans.
Alors que les urnes venaient de parler en sa faveur, la faisant entrer dans l’histoire de la Caroline du Nord en sa qualité de première femme musulmane à siéger au Conseil régional, Nida Allam oscillait entre rire et larmes, avant d’être entièrement submergée par l’émotion.
Entourée de ses parents et ses deux sœurs, ses soutiens de la première heure si fiers d’elle, et devant toutes celles et ceux qui ont cru en sa promesse de « bâtir des ponts dans un Durham plus tolérant, équitable et offrant sa chance à tous », elle a rendu un hommage poignant à trois jeunes musulmans américains promis à un avenir radieux, à trois belles âmes et cœurs purs foudroyés par la haine implacable, à trois victimes innocentes de l’islamophobie vengeresse, abattues froidement d’une balle dans la tête, le 10 février 2015, à Chapel Hill.
« C’est un terrible drame qui m’a poussée à m’engager en politique il y a cinq ans de cela, après que ma meilleure amie Yusor, son mari Deah et sa jeune sœur Razan ont été assassinés, chez eux, par leur voisin Craig Stevens, uniquement parce qu’ils étaient musulmans », a-t-elle rappelé d’une voix chevrotante, les yeux embués de larmes.
« Jamais, auparavant, je n’avais pensé à me présenter à une élection, et encore moins à écrire une nouvelle page de l’histoire politique de la Caroline du Nord », a-t-elle confié avec humilité, avant de dénoncer avec force : « Ce triple homicide contre trois jeunes gens merveilleux, trois brillants étudiants de surcroît, estimés de tous à Chapel Hill, était un crime de haine odieux ! Il a ôté la vie à trois victimes innocentes, il a anéanti deux familles, terrifié la communauté musulmane, et provoqué une immense onde de choc à travers le monde ».
Les regrettés Deah Barakat, diplômé en chirurgie dentaire, son épouse Yusor qui se destinait au même métier, et sa jeune soeur Razan, étudiante en architecture & design
Le souvenir lumineux de ses trois amis proches à jamais gravé dans le cœur, Nida Allam, qui leur a dédié sa victoire, se sent désormais investie de la plus éminente et louable des missions : redonner ses lettres de noblesse à l’exercice de la politique dans sa bonne ville de Durham qui l’a vue naître, grandir et dont elle est désormais le visage rafraîchissant du renouveau institutionnel.
« Comment puis-je me contenter de toutes les bénédictions que j’ai reçues dans ce monde, alors qu’il y a tant à faire pour lutter contre l’injustice, s’élever les uns les autres et rendre nos communautés plus soudées et saines ? Je vais me battre pour construire une nation meilleure, afin que les autres n’aient pas à être confrontés, un jour, à la douleur ressentie par ma communauté », a-t-elle fait le serment solennel sous l’ovation générale.