L’invasion, déclenchée le 21 septembre 1980, constitua une épreuve majeure pour la jeune République islamique, encore en phase de consolidation de ses acquis révolutionnaires et confrontée à d’importants défis internes.
Bien que prise de court et attaquée simultanément par terre, par air et par mer le long de ses frontières occidentales et méridionales, l’Iran opposa une défense courageuse et résolue, qui finit par repousser l’agresseur et préserver l’intégrité territoriale ainsi que la souveraineté du pays.
Cette agression ne peut être comprise indépendamment de son contexte international : elle fut activement encouragée et soutenue par des puissances étrangères, en particulier les États-Unis, qui apportèrent à Bagdad un soutien politique crucial, du renseignement et des armes tout au long de cette guerre prolongée.
Les pays européens jouèrent également un rôle important dans l’alimentation de cette guerre d’agression par d’énormes livraisons d’armes, y compris des armes chimiques utilisées contre les soldats et les civils iraniens, en violation flagrante des normes internationales.
Les parallèles entre cette agression et une plus récente — en particulier la guerre imposée de 12 jours menée par le régime israélien en juin — révèlent la persistance d’un même schéma d’hostilité et d’ingérence étrangères à l’égard de l’Iran, auxquelles répondent invariablement l’unité nationale et une résistance déterminée.
Début de l’agression et réponse de l’Iran
La guerre commença le 21 septembre 1980 par une série de frappes aériennes coordonnées : des chasseurs MiG irakiens bombardèrent plusieurs aéroports iraniens, dont Mehrabad à Téhéran, Ahvaz, Tabriz, Hamadan et Boushehr, visant à la fois des infrastructures militaires et des installations civiles, marquant une nette escalade des hostilités.
Ces attaques furent suivies d’une invasion terrestre à grande échelle le long des frontières occidentales et méridionales de l’Iran. Les forces irakiennes avancèrent jusqu’à la province pétrolière du Khouzestan, persuadées à tort que la population arabophone locale les accueillerait en libérateurs plutôt qu’en défenseurs de leur territoire.
Cette erreur stratégique reflétait les illusions du régime de Saddam Hussein, convaincu que les troubles politiques consécutifs à la Révolution islamique avaient ouvert une fenêtre de vulnérabilité exploitable pour obtenir rapidement des gains territoriaux et un avantage géopolitique.
L’invasion avait été précédée par un geste théâtral de Saddam : la déchirure en direct, devant les caméras de télévision, de l’Accord d’Alger, en proclamant une souveraineté irakienne absolue sur le fleuve Arvand et même sur certaines îles iraniennes du golfe Persique — un prétexte d’agression sans fondement juridique ni historique.
Les forces armées iraniennes, encore en phase de réorganisation après la Révolution islamique et confrontées à divers défis internes, firent preuve d’un sang-froid et d’une résilience remarquables. Elles se mobilisèrent rapidement pour défendre la souveraineté nationale, malgré l’effet de surprise et la supériorité initiale de l’armement déployé par les forces envahissantes.
La riposte immédiate comprit, selon les premiers communiqués militaires, l’abattage de onze avions irakiens et le coulage de quatre frégates lance-missiles, démontrant la capacité opérationnelle et la détermination des forces iraniennes, même dans des conditions initiales particulièrement défavorables.
La réaction nationale à l’invasion se distingua par une unité et une détermination exceptionnelles : dirigeants politiques de tous horizons et simples citoyens se rallièrent pour défendre le pays contre l’agression extérieure, mettant de côté leurs divergences face à une menace commune.
L’imam Khomeini, dans un message prononcé peu après le début des attaques, condamna fermement l’agression tout en établissant une distinction claire entre le régime irakien et son peuple. Il souligna que la riposte iranienne viserait les responsables de l’invasion et non la population irakienne, elle-même victime de la tyrannie de Saddam.
Tous les hauts responsables du gouvernement iranien appelèrent alors au calme et à la discipline, tout en mettant en avant la coordination entre institutions militaires et politiques. Cette cohésion de la direction nationale permit de gérer efficacement la crise malgré les circonstances difficiles.
Plus significatif encore, les Iraniens de toutes origines exprimèrent spontanément leur volonté de participer à l’effort de défense : beaucoup se précipitèrent pour aider sur les sites bombardés, malgré les risques, tandis que d’autres se portèrent volontaires pour le service militaire. Cette mobilisation populaire profonde en faveur de la défense nationale devint l’une des caractéristiques marquantes des années de guerre.
La résistance héroïque dans des villes frontalières comme Khorramshahr, où des défenseurs faiblement armés tinrent tête pendant des semaines à des forces irakiennes numériquement supérieures, symbolisa la réponse déterminée de l’Iran. Elle prouva qu’à elle seule, la supériorité technologique ne pouvait vaincre la volonté nationale et l’ingéniosité stratégique.
La période de la guerre imposée permit de distinguer clairement les véritables patriotes — ceux qui mirent de côté leurs différences pour s’unir dans la défense de la nation — de ceux qui choisirent d’abandonner le pays, tels les monarchistes réfugiés à l’étranger ou encore les membres de l’organisation terroriste des Moudjahidines du peuple (MKO), qui s’allièrent aux forces envahissantes.
Le soutien occidental à l’agression irakienne baasiste
On ne peut comprendre la guerre imposée sans analyser l’ampleur du soutien international accordé au régime de Saddam, notamment par les puissances occidentales, qui virent dans l’agression irakienne une occasion d’affaiblir la République islamique et de freiner son influence croissante.
Les États-Unis jouèrent un rôle particulièrement déterminant dans la facilitation de l’agression irakienne, donnant en pratique un « feu vert » à l’invasion après l’échec des négociations diplomatiques de Bonn, quelques jours seulement avant le déclenchement des attaques. Lors de ces pourparlers, les tentatives iraniennes de régler les différends en suspens — dont la question des avoirs gelés — avaient été rejetées par les responsables américains.
Ce calendrier n’avait rien de fortuit : il survenait à peine deux mois après l’échec du complot de Nojeh — une tentative conjointe américano-irakienne de renverser le gouvernement iranien — qui montrait déjà que l’action militaire contre l’Iran avait été activement envisagée par les deux régimes avant même l’invasion de septembre.
Une fois la guerre déclenchée, les États-Unis fournirent à l’Irak un soutien matériel considérable : partage de renseignements, aide économique de plusieurs milliards de dollars, formation militaire directe, tout en menant en parallèle des opérations de sabotage contre les infrastructures iraniennes et en participant aux attaques contre la navigation et les plateformes pétrolières de l’Iran.
Les efforts diplomatiques américains contribuèrent également à renforcer la machine de guerre irakienne, en détournant systématiquement l’attention de l’usage d’armes chimiques par Bagdad. Ils mirent en avant de fausses équivalences laissant croire que les deux camps employaient de telles armes interdites, alors qu’en réalité seul l’Irak en possédait et les utilisait, contre des cibles militaires comme contre des populations civiles.
Les puissances européennes portent elles aussi une responsabilité importante dans le déclenchement et la prolongation de l’agression, par leurs exportations massives d’armes vers l’Irak, transformant l’armée de Saddam en une force redoutable, équipée des technologies les plus avancées du marché international.
La France fut l’un des principaux fournisseurs d’armements de Bagdad, livrant avions, systèmes de missiles et véhicules blindés qui renforcèrent considérablement ses capacités offensives. L’Allemagne, quant à elle, apporta des technologies à double usage et des précurseurs chimiques qui permirent le développement du programme d’armes chimiques irakien, en violation des interdictions internationales.
Le Royaume-Uni autorisa également de vastes ventes d’armes et fournit une assistance technique et une formation qui accrurent l’efficacité des forces irakiennes, tandis que l’Italie livra des navires de guerre et d’autres équipements militaires consolidant la position stratégique de Bagdad.
Ce gigantesque pipeline d’armements internationaux permit à l’Irak de poursuivre son effort de guerre malgré ses pertes et ses difficultés économiques, externalisant en quelque sorte sa logistique militaire à des fournisseurs étrangers qui profitèrent largement de cette agression prolongée, tout en affichant publiquement un discours de paix et de neutralité.
La nature coordonnée de ce soutien traduit une stratégie occidentale délibérée visant à utiliser l’Irak comme proxy pour affaiblir l’Iran, reflétant des calculs géopolitiques où la priorité était de contenir la Révolution islamique plutôt que d’assurer la stabilité régionale ou de respecter les considérations humanitaires.
Parallèles avec la guerre imposée de juin 2025
Les schémas d’agression extérieure et de résilience iranienne observés durant la guerre imposée des années 1980 trouvent un écho frappant dans la guerre de 12 jours imposée en juin dernier par le régime israélien, avec la complicité des États-Unis. Là encore, on retrouve la combinaison d’attaques surprises, de soutien étranger, et au final l’échec à atteindre les objectifs stratégiques face à la résistance déterminée de l’Iran.
Comme l’invasion de Saddam en 1980, l’agression israélienne commença par des assassinats ciblés de hauts responsables militaires et de scientifiques, accompagnés de frappes contre des zones civiles. Cette approche reflétait la même logique : affaiblir l’Iran par des frappes de décapitation et des chocs initiaux.
Les États-Unis jouèrent encore une fois un rôle facilitateur, participant directement aux bombardements contre les installations nucléaires iraniennes, sans la moindre justification légitime.
Les puissances européennes, quant à elles, offrirent une couverture politique à l’agression par des réactions timorées et des déclarations ambiguës, sans condamner clairement la violation de la souveraineté iranienne — répétant ainsi leur attitude permissive de la guerre imposée des années 1980, malgré les décennies écoulées et les prétendus progrès du droit international.
La réponse de l’Iran à l’agression de 2025 fit preuve de la même unité nationale et de la même compétence militaire que durant les années 1980. Les forces armées réagirent efficacement sur plusieurs fronts, menant des contre-attaques mesurées mais décisives contre des cibles situées dans les territoires occupés et des bases américaines de la région.
La direction du pays conserva également une orientation stratégique claire tout au long de la crise, le Guide de la Révolution islamique, l’ayatollah Seyed Ali Khamenei, soulignant la détermination et les capacités de la nation, tout en identifiant avec précision les motivations profondes de l’hostilité envers la voie indépendante choisie par l’Iran.
Fait le plus marquant : dans les deux cas, les agressions se conclurent sans que les agresseurs n’atteignent leurs objectifs principaux — qu’il s’agisse des gains territoriaux recherchés par l’Irak ou de la destruction du programme nucléaire et des capacités défensives de l’Iran tentée par le régime israélien. Ces échecs illustrent l’inefficacité constante de la coercition militaire contre une nation déterminée à défendre sa souveraineté et ses principes.
La continuité entre ces deux épisodes, séparés par quarante-cinq ans, met en évidence des facteurs structurels persistants dans les relations internationales de l’Iran : les puissances étrangères sous-estiment de manière répétée l’unité et la résilience nationales, tout en surestimant l’efficacité de la force militaire contre un peuple qui a constamment démontré sa volonté de se sacrifier pour défendre son pays et sa révolution.
Ces expériences parallèles ont inévitablement façonné le calcul stratégique de l’Iran et sa préparation défensive, renforçant l’importance de l’autosuffisance militaire et du développement de capacités de dissuasion, indispensables pour décourager de futures agressions tout en garantissant une riposte efficace si elles venaient malgré tout à se produire.
(Par Ivan Kesic : article initialement publié sur le site PressTV)