Christian Yahya Bonaud, théologien et philosophe chiite, est mort

Christian Yahya Bonaud, théologien et philosophe chiite, est mort

Né en Allemagne dans une famille catholique, hippie, converti à l’islam soufi puis chiite, mais aussi détenteur d’un doctorat de philosophie à la Sorbonne, traducteur du Coran… Le parcours de Christian Yahya Bonaud, 62 ans, mort accidentellement le 26 août en Côte d’Ivoire, est étonnant. Lui-même se définissait d’abord comme un « bandeh Khoda », c’est-à-dire « une créature de Dieu, aspirant à Dieu » en persan, rappelle son ami et élève Razi Shah.

Né en Allemagne en 1957, il a également vécu en Algérie avant de revenir en France, à Strasbourg, avec sa famille, à l’âge de dix ans. Étudiant en philosophie à la Sorbonne, il se convertit à l’islam à la fin des années 1970 et devient l’élève d’Amadou Hampâté Bâ, chef spirituel du tidjanisme, confrérie soufie très présente au Sénégal. Il prend alors le nom de « Yahya ».

Influencé par la pensée de l’Imam Khomeyni

Pendant ses études, il découvre les écrits philosophiques de l’imam Khomeyni et se tourne alors vers le chiisme. « En France, Khomeyni n’est connu que pour son rôle politique dans la révolution iranienne. Pourtant, c’est aussi un grand spécialiste de la pensée du philosophe Ibn’Arabi et aujourd’hui encore ses commentaires sont étudiés », souligne Maly Hosseinpour, ami et élève.

Christian Yahya Bonaud décide alors de consacrer sa thèse aux écrits philosophiques et gnostiques de l’imam Khomeyni. Sa thèse est publiée en 1995 : Métaphysique et théologie dans les œuvres philosophiques et spirituelles de l’imam Khomeyni (École pratique des hautes études, Paris).

Autant théologien que philosophe

Il enseigne la philosophie à l’université de Téhéran, en particulier la pensée du philosophe et mystique iranien Molla Sadra dont il était l’un des grands spécialistes, ainsi que celle du grand ouléma Ibn Arabi.

« Christian Yahya Bonaud n’a jamais cherché la lumière mais travaillait dans son coin », relève Maly Hosseinpour, qui l’a rencontré grâce à des forums de discussion entre musulmans sur Internet, initiant ainsi une amitié spirituelle et intellectuelle de vingt-cinq ans. À la différence des universitaires spécialistes du chiisme, Christian Yahya Bonaud se revendiquait autant théologien que philosophe. « Il lisait les travaux des partisans de l’approche historico-critique mais il les trouvait réducteurs parce qu’ils amputent la religion de sa dimension mystique », note Maly Hosseinpour.

Mois de muharram

Aux yeux de ce dernier, cette approche – qui était celle d’orientalistes, comme Henry Corbin, jusque dans les années 1970 – est une autre raison pour laquelle il n’a pas trouvé sa place à l’université française. « Aujourd’hui, on exige de l’islamologue qu’il entretienne une certaine "distance" avec son sujet, autrement dit qu’il soit agnostique », regrette Maly Hosseinpour. « Christian Yahya Bonaud, lui, connaissait aussi bien les textes chiites que les philosophes. Dans le monde francophone, nous n’avons plus personne comme lui. »

Lors de son décès, il se trouvait en Côte d’Ivoire pour le mois de muharram, le premier mois du calendrier musulman, particulièrement important pour les chiites. Pendant les dix premiers jours du mois, ces derniers commémorent le massacre des partisans de l’imam Ali à la bataille de Kerbala. Christian Yahya Bonaud donnait à la communauté chiite d’Abidjan une série de conférences sur ce thème.

Plutôt qu’à Mashad, c’est donc finalement en Côte d’Ivoire, aux côtés de son premier maître spirituel, que Christian Yahya Bonaud a été enterré.

 

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