Trump cherche à plonger le Golfe Persique dans l’inquiétude (le Figaro)

Pour François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran, Donald Trump cherche ainsi à attirer Téhéran dans un piège et plonge le Golfe Persique dans l’inquiétude.

ID: 59003 | Date: 2019/05/12

François Nicoullaud est analyste de politique internationale et ancien ambassadeur de France en Iran.


«Le 22 avril, l’administration américaine a fait savoir qu’elle allait mettre fin aux exemptions qui épargnaient à huit pays grands consommateurs de pétrole iranien l’interdiction générale d’achat intervenue en novembre dernier suite au retrait des États-Unis de l’accord nucléaire de Vienne. La décision est entrée en vigueur le 2 mai. Elle vise expressément à réduire à zéro des exportations essentielles à l’économie iranienne, et à convaincre ainsi Téhéran de céder sur toutes les exigences de Washington touchant au nucléaire, à la balistique, aux droits de l’Homme, au rôle de l’Iran dans sa région.


Depuis quelque temps, émergeait à Washington la frustration de constater que le retour de ses sanctions, intervenu en deux vagues, août et novembre 2018, ne produisait aucun effet sur le gouvernement iranien. La population souffrait, s’agitait même, mais rien qui mette en péril la République islamique.


Cette absence de résultat, si elle se prolongeait, pourrait gêner Trump dans sa campagne pour sa réélection: à peine une année à ce jour. D’où l’idée d’augmenter la pression par une troisième vague de sanctions. Elle est en cours: inscription du Corps des Gardiens sur la liste des organisations terroristes, durcissement des sanctions pétrolières, interdiction d’un certain nombre de transactions dans le domaine nucléaire, interdiction d’acheter et de vendre à l’Iran plusieurs types de métaux.


Chacune de ses mesures a soulevé des objections de bon sens au sein même de l’administration américaine. Et pour faire bon poids, un porte-avions américain, l’Abraham-Lincoln, se dirige en ce moment vers le Golfe persique.


Pour la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, le Japon, la Turquie, en particulier, la décision américaine de leur interdire tout achat de pétrole a produit un choc, alors que ces pays étaient en négociation pour la reconduction des exemptions dont ils avaient bénéficié. Le pétrole iranien est essentiel pour eux. Ils ont des raffineries formatées pour traiter le pétrole lourd dont l’Iran est grand exportateur, leur adaptation à d’autres types de pétrole coûtera cher et représente un redoutable défi à si bref délai. Quant aux condensats, pétroles ultra-légers dont l’Iran est également exportateur, la Corée du Sud (entre autres exemples) qui en est grand acheteur pourra certes s’approvisionner ailleurs, notamment aux États-Unis, mais à un coût bien plus élevé au vu de la distance. L’affirmation de Donald Trump selon laquelle le marché mondial suppléerait aisément au tarissement des exportations iraniennes laisse donc subsister de sérieux problèmes pour les clients au premier chef concernés.», lit-on sur l'article de «Le Figaro».


Isna